Le nucléaire, une énergie entourée de mythes et de préjugésCrise énergétique et changements climatiques: l’énergie nucléaire a fait son grand retour dans les discussions. Pour autant, elle est encore entourée de nombreux mythes et préjugés. Nous souhaiterions rétablir ici certaines vérités.
Or les discussions sur les nouvelles constructions, la prolongation du fonctionnement des réacteurs existants et la sortie du nucléaire s’accompagnent de rumeurs, de mythes et de préjugés qui rendent plus difficiles les débats objectifs sur le sujet.
«Les centrales nucléaires ne sont pas assez sûres»
«Les centrales nucléaires ne sont pas assez sûres»
Reprenons donc depuis le début: la sécurité des centrales nucléaires: elle revêt la priorité absolue. En vertu de la loi suisse sur l’énergie nucléaire, la sécurité prévaut sur la rentabilité. Elle nécessite un engagement important et des investissements permanents, mais cela en vaut la peine car les centrales nucléaires suisses font partie des plus sûres d’Europe, comme l’ont démontré les tests de résistance de l’UE réalisés en 2012 dans le sillage de l’accident de Fukushima.
Qui contrôle la sécurité? Il s’agit de l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN). À l’issue de la révision annuelle, les installations nucléaires peuvent être reconnectées au réseau une fois seulement que l’IFSN a délivré le permis d’exploitation pour le cycle suivant.
Alors oui, bien sûr, les hommes peuvent faire des erreurs et la technique peut défaillir, mais là encore, la sécurité des centrales nucléaires est garantie grâce à des mesures structurelles, techniques et organisationnelles adaptées en permanence au dernier état de la technique.
«Les centrales nucléaires ne sont pas neutres en CO₂»
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et la Commission économique pour l’Europe des Nations unies (CEE-ONU) estiment, eux aussi, que le nucléaire et l’éolien sont les sources d’énergie les plus respectueuses du climat.
Par ailleurs, lors de son fonctionnement, une centrale nucléaire n’émet aucun gaz à effet de serre. Les émissions sont générées, pour moitié, lors de la construction, du démantèlement et de la gestion des déchets et, pour moitié, lors de l’extraction et du traitement de l’uranium.
Ainsi, pour pouvoir bénéficier d’un mix électrique propre, nous devons nous défaire du charbon, du pétrole et du gaz – lesquels fournissent encore 60% de l’électricité produite sur notre planète – et nous doter d’un mix nucléaire – renouvelables.
«La durée de construction d’une centrale nucléaire est trop longue»
«La durée de construction d’une centrale nucléaire est trop longue»
Mais à l’inverse, la nouvelle tranche nucléaire Fangchenggang 3, en Chine, a été mise en service en décembre dernier à l’issue de seulement sept années de construction. Il en est de même pour la construction de la première centrale nucléaire des Émirats arabes unis, à Barakah.
Le graphique obtenu à partir d’informations issues de la banque de données PRIS de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en date de 2016 montre que sur les 441 réacteurs de l’époque, 374 avaient été construits en dix ans, au maximum. Lorsque le calendrier est respecté, la construction d’une centrale nucléaire dure, en moyenne, sept années et demie.
La banque de données PRIS fournit des informations sur les 411 réacteurs en service dans le monde (état au 30 septembre 2023), et indique la date de début de la construction et la date de connexion au réseau de chaque installation. Il en ressort que la durée moyenne de construction est de sept années et demie.
«Il n’existe aucune solution pour les déchets nucléaires»
Ils sont alors placés dans des conteneurs de transport et de stockage adaptés, par exemple des conteneurs Castor. La totalité des déchets radioactifs produits lors des 60 années de fonctionnement des centrales nucléaires suisses représente un volume d’environ 80’000 m3, ce qui ne remplirait même pas l’ancien hall de la gare centrale de Zurich. Ou, pour le formuler autrement: la quantité de déchets radioactifs imputables à chaque individu représente environ une canette.
Bien sûr, les déchets radioactifs ne peuvent pas être stockés une éternité dans un dépôt intermédiaire. Par ailleurs, la loi suisse sur l’énergie nucléaire prévoit la construction d’un dépôt en couches géologiques profondes en Suisse pour stocker à long terme les déchets radioactifs de manière sûre et loin des hommes, jusqu’à ce que leur radioactivité ait suffisamment décru pour qu’ils ne soient plus nocifs. Il a été demandé à la Nagra de planifier et de construire un tel dépôt, et celle-ci a choisi Nord des Lägern comme site d’implantation.
Mais comment cela fonctionne-t-il exactement? Bien évidemment, il ne s’agit pas simplement d’un trou dans le sol, dans lequel on placerait des conteneurs Castor. Le dépôt en couches géologiques profondes est un système sophistiqué composé de plusieurs barrières de sécurité qui garantissent que les déchets sont bien confinés à plusieurs centaines de mètres en profondeur, dans une roche dense et stable. En Suisse, la barrière principale est constituée par l’argile à Opalinus. Il s’agit d’une roche très imperméable qui retient à la fois l’eau et les matières radioactives. L’argile à Opalinus est entourée d’autres couches de roches argileuses et imperméables. Une fois que l’ensemble des déchets ont été placés dans un dépôt profond, ce dernier est fermé et scellé de manière durable et sûre, et aucune surveillance ni aucun entretien ne sont nécessaires.
D’autres pays recherchent actuellement un site adapté pour accueillir un dépôt profond. En 2025, la Finlande mettra en service le premier dépôt en couches géologiques profondes destiné aux assemblages combustibles usés au monde, à «Onkalo». Et son voisin, la Suède, a donné son feu à la construction du premier dépôt profond destiné au combustible usé à Forsmark, et d’une installation d’encapsulage à Oskarshamn.
Il existe donc bien une solution de gestion des déchets faiblement, moyennement, mais aussi hautement radioactifs: le dépôt en couches géologiques profondes, aussi appelé dépôt final. De nombreux pays, dont la Suisse, étudient cette solution. Les déchets faiblement et moyennement radioactifs sont d’ailleurs déjà entreposés depuis plusieurs décennies dans des dépôts finaux.
Notre Podcast NucTalkPetros Papadopoulos à propos des préjugés concernant l’énergie nucléaire
Archive avec l’ensemble des épisodes de notre Podcast NucTalk (en allemand)
«La société paie le démantèlement des centrales nucléaires»
Pour ce faire, ils alimentent le fonds de désaffectation et le fonds de gestion des déchets radioactifs durant toute la durée du fonctionnement des installations. Les coûts du démantèlement sont estimés sur la base de valeurs empiriques en provenance d’Allemagne. Ces estimations sont recalculées tous les cinq ans dans le cadre d’études de coûts, en prenant en compte le nouvel état de la technique, sous la surveillance de la Confédération. Les contributions versées chaque année par les exploitants nucléaires sont ensuite adaptées sur cette base.
«L’énergie nucléaire est trop chère»
«L’énergie nucléaire est trop chère»
Il existe plusieurs sources et calculs pour déterminer le prix de revient de l’électricité. L’Association des entreprises électriques suisses (AES) estime le coût de revient de l’électricité nucléaire entre 4 et 7 ct/kWh, ce qui fait de la technologie nucléaire l’une des technologies de production d’électricité les moins coûteuses.
Sur mandat de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), l’Institut Paul-Scherrer (PSI) a réalisé l’étude «Potentiels, coûts et impact environnemental des installations de production d’électricité», dans laquelle il présente les coûts de revient actuels et attendus de plusieurs sources d’énergie. Les nouvelles constructions nucléaires ont été prises en compte.
Les conclusions des organisations internationales sont identiques. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) arrive même à des valeurs légèrement inférieures à celles de l’AES et du PSI. Toutefois, elle ne fournit aucune indication explicite sur de nouvelles constructions en Suisse.
L’étude de l’entreprise américaine de conseil financier et de gestion d’actifs Lazard, actualisée chaque année, aboutit à un résultat bien différent: ses auteurs estiment les coûts de revient de l’électricité nucléaire entre 13 et 20 ct./kWh, ce qui est très élevé comparée à d’autres études. Toutefois, cette étude ne concerne que les États-Unis et des durées de fonctionnement comprises entre 40 et 60 ans. Cela représente une augmentation des coûts de l’ordre de 150%.
Dans le cadre du système d’approvisionnement électrique, les coûts de revient de l’électricité ne constituent qu’une composante – bien qu’importante. Afin de pouvoir comparer de manière équitable l’ensemble des modes de production d’électricité, il convient d’adopter une vision plus globale et de prendre en compte l’ensemble de coûts liés à l’approvisionnement électrique. Un tel calcul des coûts totaux tient compte non seulement des coûts de production au sein de la centrale mais aussi des coûts de système et des coûts externes. Dans notre Dossier multimédia «La rentabilité de l’énergie nucléaire», nous vous présentons la méthode de calcul Levelized Full System Costs of Electricity (LFSCOE). En effet, en prenant en compte les coûts totaux de la production d’électricité, il est possible de montrer une nouvelle fois qu’en raison de sa consommation en ressources réduite, l’énergie nucléaire est avantageuse pour le climat: l’exploitation des centrales nucléaires suisses actuelles offre un approvisionnement électrique éprouvé, efficace et abordable.
«Les centrales nucléaires sont à l’origine des bombes atomiques»
«Les centrales nucléaires sont à l’origine des bombes atomiques»
Par ailleurs, la production de Pu-239 est tout simplement impossible dans les réacteurs à eau légère que nous utilisons. Certes, ces réacteurs génèrent du PU-239, mais celui-ci est trop fortement contaminé par le Pu-240. Or pour atteindre une masse critique, le plutonium de qualité militaire doit être constitué d’au moins 92% de Pu-239. Il est impossible d’atteindre de telles valeurs dans nos centrales nucléaires conventionnelles.
«Les réserves d’uranium ne seront pas éternelles»
«Les réserves d’uranium ne seront pas éternelles»
Une tonne de roche contient en moyenne deux à quatre grammes d’uranium. Ainsi, l’uranium est autant abondant que l’étain, et plus encore que l’argent et l’or. Comme beaucoup d’autres métaux, il n’est pas présent dans les roches sous forme pure mais à l’état de minerai d’uranium et est alors combiné avec d’autres éléments.
On trouve de l’uranium dans un grand nombre de pays. À ce jour, les plus gros producteurs sont l’Australie, le Canada et le Kazakhstan. D’autres pays tels que la Chine, les États-Unis, la Namibie, le Nigéria, l’Ouzbékistan et la Russie en extraient aussi de grandes quantités.
L’uranium possède une densité énergétique importante. Une centrale nucléaire comme celle de Gösgen a besoin d’environ 20 tonnes seulement d’uranium enrichi (soit 1 mètre cube) pour produire 8,5 milliards de kilowattheures d’électricité. Et pour produire 20 tonnes d’uranium enrichi, il faut environ dix fois cette quantité en uranium naturel. Si l’on compare la densité énergétique et la quantité, pour produire 1 TWh d’électricité avec d’autres matières premières, il faudrait:
- 24 tonnes d’uranium naturel (moyenne des centrales nucléaires suisses
- 135’000 tonnes de gaz (centrale à gaz à cycle combiné)
- 210’000 tonnes de gaz (turbines à gaz à cycle ouvert)
- 400’000 tonnes de charbon (installation de référence: Voerde,
DE).
Il n’existe pas de chiffres attestés concernant le volume total des gisements d’uranium exploitables sur la terre ferme car de nombreuses régions intéressantes du point de vue géologique n’ont pas encore été explorées. Par ailleurs, le prix du marché et l’évolution technologique interviennent en tant que critères pour déterminer ce qui est «exploitable». Néanmoins, les chiffres fournis par l’Agence de l'énergie nucléaire (AEN) de l’OCDE et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) indiquent que les réserves d’uranium raisonnablement assurées et supposées sont suffisantes.
Ainsi, avec un prix du kilogramme d’uranium de 130 dollars, les gisements conventionnels connus offrent des réserves pour 60 ans; jusqu’à un prix de 260 dollars, il serait également possible d’exploiter des gisements pour lesquels l’extraction du minerai est plus coûteuse. Dans le cadre de la consommation actuelle, les réserves d’uranium connues seraient suffisantes pour les 135 prochaines années. À cela s’ajoutent les réserves d’uranium encore présumées et non découvertes, dont on estime qu’elles suffiraient pour au moins 100 ans.
«Plus la centrale nucléaire est ancienne, plus le risque d’incident est élevé»
Cette priorité donnée à la sécurité associée à l’obligation de rééquipement en vertu de la loi sur l’énergie nucléaire a conduit à un niveau de sécurité bien supérieur dans les centrales nucléaires suisses en comparaison européenne mais aussi mondiale. Grâce aux rééquipements permanents, les centrales nucléaires sont aujourd’hui plus sûres que jamais. Ainsi, par exemple, les systèmes de sécurité qui ont tant manqué à Fukushima pour maîtriser l’accident font l’objet de rééquipements dans notre pays depuis les années 1990. Une installation telle que celles présentes à Fukushima aurait été désaffectée en Suisse depuis longtemps.
Alors oui, bien sûr, les hommes peuvent faire des erreurs et la technique peut défaillir, mais là encore, la sécurité des centrales nucléaires est garantie grâce à la combinaison de mesures structurelles, techniques et organisationnelles adaptées en permanence au dernier état de la technique. En Suisse, les exploitants nucléaires entretiennent une culture de l’erreur ouverte et un échange d’expérience intense, et les techniciens nucléaires tirent des enseignements des incidents et des erreurs qui surviennent dans le monde entier. Et ce avec succès puisque les tests de résistance de l’UE qui ont été réalisés en 2012 ont attesté que les réacteurs suisses faisaient partie des plus sûrs d’Europe.
«Les petits réacteurs modulaires ne peuvent remplacer les grosses centrales»
Les avantages des SMR sont nombreux:
- Ils satisfont souvent les standards de sécurité les plus élevés et même en cas d’accident grave, aucune intervention active des pompes et soupapes n’est requise, et la sécurité de l’installation est garantie sans alimentation en énergie ni mesures initiées par le personnel de commande.
- Ils nécessitent une maintenance réduite et peuvent produire de
l’électricité et de la chaleur durant de nombreuses années, voire décennies,
sans qu’il soit nécessaire de recharger le cœur en combustible.
- En raison de leur faible encombrement, ils peuvent être construits en profondeur ou à proximité immédiate des consommateurs. Par ailleurs, ils sont adaptés à la fois aux agglomérations et aux grandes industries mais peuvent aussi être construits dans les régions où le réseau électrique est peu développé, et ils peuvent servir à alimenter les installations de dessalement de l’eau de mer ou encore à approvisionner en électricité dans des lieux reculés tels que les îles.
- Ils nécessitent un investissement en capital comparativement réduit, ce qui facilite leur financement et offre de la flexibilité.
- Ils peuvent être assemblés en usine puis être transportés par camion jusqu’à leur lieu de destination, et seront tout simplement rapportés à la fin de leur durée de fonctionnement.
«L’énergie nucléaire ne participe pas à la protection du climat»
«L’énergie nucléaire ne participe pas à la protection du climat»
Les résultats de la recherche menée à l’Institut Paul-Scherrer (PSI) indiquent qu’en Suisse, l’hydraulique, le nucléaire et l’éolien sont les sources d’énergie qui génèrent le moins de gaz à effet de serre par kilowattheure. Dans le cadre de leurs travaux, les scientifiques prennent en compte l’ensemble du cycle de vie d’une installation, autrement dit dans le cas du nucléaire: de l’extraction de l’uranium au démantèlement des centrales, sans oublier la construction de dépôts en couches géologiques profondes pour la gestion des déchets radioactifs. Ces calculs globaux montrent qu’avec 10 à 20 g d’équivalents CO2 par kilowattheure, l’énergie nucléaire est particulièrement respectueuse du climat. La Commission économique pour l’Europe des Nations unies (CEE-ONU) arrive à la même conclusion.
Une analyse du cycle de vie de l’énergéticien Électricité de France (EDF) indique qu’une centrale nucléaire en France génère moins de 4 g d’équivalent CO₂ par kilowattheure de courant nucléaire produit.
Comparée à d’autres pays d’Europe, la Suisse bénéficie d’un mix électrique particulièrement respectueux du climat grâce à sa combinaison hydraulique - nucléaire, et l’énergie nucléaire contribue de manière importante à la protection du climat.
«Il est tout à fait possible de garantir l’approvisionnement électrique de la Suisse uniquement avec les énergies renouvelables»
Conclusion
Informations complémentaires
energienucleaire.ch
Le site www.energienucleaire.ch fournit des informations spécialisées. Les chiffres concernant l’énergie nucléaire et le paysage énergétique suisse se basent sur des publications scientifiques solides.
Forum nucléaire suisse
Le Forum nucléaire suisse s’engage pour l’utilisation pacifique et le développement de l’énergie nucléaire en Suisse. Nous vous informons sur les dernières innovations et les derniers développements dans le domaine de l’énergie nucléaire.
L’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN)
L’Inspection
fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) est l’autorité de sûreté nucléaire de
la Confédération pour tout ce qui concernant la sécurité et la sûreté des
installations nucléaires suisses.
Nagra
La Nagra est la
Société coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs en
Suisse. Elle est responsable de la recherche d'un site adapté au stockage final
des déchets radioactifs et de la planification et de la mise en œuvre
associées.